Salut Internet ! Avant de vous expliquer pourquoi je suis content de quitter la Chine, je tiens à préciser que c’est un article ultra-personnel. Les arguments sont personnels, ils ne s’appliquent pas à tout le monde (sinon l’article serait intitulé « Pourquoi tout le monde doit quitter la Chine »…). Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises décisions, juste des situations différentes et nous sommes uniques.

Ceci étant dit, je ne sais pas si il y avait besoin de ce petit disclaimer, mais je préférais préciser avant de me faire taper dessus.


Après 1 an et demi à Shanghai, et pratiquement 2 ans au cumulé, je suis content de quitter la Chine. Cette décision qui me paraissait très dur au départ, s’est petit à petit révélée comme un soulagement pour 4 raisons.

1 – Éviter le piège de « l’Homme blanc »

Pourquoi je suis content de quitter la Chine ? La réflexion qui m’a pris le plus de temps c’est celle-là. Rentrer en France me permet d’éviter le piège de l’Homme blanc. C’est l’expression que nous utilisions en Chine, avec mes collègues ou autres, d’origine européenne ou américaine, venus s’installer en Chine depuis quelques années.

Ce « piège » désigne l’illusion de vie paradisiaque que l’on peut ressentir en venant vivre en Chine, à Shanghai dans mon cas personnel.

La vie est moins chère qu’en Europe. J’en parle dans une vidéo si vous voulez plus de détails, mais elle est globalement un peu moins cher, tout en offrant des salaires égaux, ou souvent supérieur à notre pays natal.

Cette augmentation de notre pouvoir d’achat nous laisse donc supposer que l’on peut vivre comme des rois, dans un « luxe » qui ne nous serait pas réellement permis en Europe pour le moment.

Cependant, le piège se referme lorsque que l’on réalise que cette situation est enviable sur du court terme, mais que l’on est piégé sur le long terme. Nos salaires sont supérieurs, certes, mais il est inenvisageable de construire une vie durable ici.

Dans un premier temps, l’immobilier à Shanghai est hors de prix. N’essayez pas de comparer avec Paris, on parle ici de plusieurs millions d’euros pour des appartements minuscules. Impossible donc d’acheter son propre appartement.

Pas de taxe, pas de cotisations…

Ensuite, dans ses salaires un peu plus élevé, se cache une réalité bien plus amère. Nous ne sommes pas taxés sur nos revenus, donc nous n’avons aucune cotisations pour notre retraite, mais aussi pour notre sécurité sociale. Il est donc absolument nécessaire de mettre de l’argent de côté pour pouvoir payer nos propres retraites et nos frais d’hospitalisation. Et les frais d’hospitalisation en Chine sont aberrant ! Ils peuvent facilement atteindre plusieurs centaines d’euros pour des soins basiques.

J’ai pu discuter avec plusieurs personnes qui ont travaillé 10 ans à Shanghai, et en regardant dans le miroir, rien n’avait changé. En 10 ans ici, ils n’avaient pas réussi à « construire » quelque chose avec le fruit de leur travail. Construire quelques chose grâce à son travail et ses revenus est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Regarder déjà 6 mois en arrière sans voir un changement me rend malade, alors 10 ans, c’est inenvisageable.

Professeur d’anglais : le dernier clou du cercueil.

Le pire dans ces situations arrivait aux jeunes diplômés de droit, d’informatique, de commerce, etc… venus travailler à Shanghai. En comparant les différents salaires proposés, à chaque fois, le métier de professeur d’anglais rapportait beaucoup plus d’argent que les métier pour lesquels ils avaient été formés. De mémoire, ils me parlaient de 35-40k RMB par mois, ce qui donne presque 5000 € pour apprendre l’anglais à des enfants, sans même avoir un diplôme de professeur !

Beaucoup s’engageait donc pour 1-2 ans en tant que professeur pour se faire de l’argent au départ. Puis, à la fin de leur contrat, très souvent ils le renouvelaient car il restait bien plus intéressant que le salaire de leur formation. Et quelques années après, leurs diplômes n’avaient plus aucune valeur car ils n’avaient pas travaillé dans le secteur. Et ils ne pouvaient pas postuler à des métiers d’enseignant autre part puisqu’ils ne possédaient aucunes formations officielles…

C’est un aparté sur un piège et l’appât du gain que l’on peut ressentir, surtout quand on est jeune, en manque de finance avec des opportunités aussi « belles » que celles-là.

Mais il existe une solution !

La solution à tous ces problèmes serait donc le statut d’expatrié pour une entreprise française à Shanghai. Je ne compte pas sur mes cotisations pour financer ma retraite, mais disons que cette barrière de sécurité fait toujours plaisir.

Le statut d’expatrié offre :

  • Un salaire plus élevé
  • Avec tous les privilèges associés (appartement, frais médicaux, école des enfants, un chauffeur privé, etc.)
  • Une stabilité professionnelle et financière assurée

Le type de mentalité que je déteste le plus en Chine.

Il y a beaucoup trop d’exemples comme cela, à vivre dans un quartier luxueux et privilégié, à manger européen tous les jours, se fermer à la culture chinoise, à la langue et à son peuple. Passer à côté de ce que « vivre en Chine » veut dire. Bref, tout ce que je ne veux pas (pour l’instant).

Allez, un dernier petit problème pour la route ?

Rajouter à cela que le racisme est présent en Chine. Même si le chinois ne l’est pas spécialement, le système l’est profondément. Un européen ne sera jamais traité comme un Chinois en Chine. De nombreuses procédures vous seront refusée car vous n’êtes pas Chinois. Certaines choses ne fonctionnent qu’avec une carte d’identité chinoise, et pas un passeport…

Cela va encore lorsqu’il s’agit d’acheter un billet de train. D’accord, je n’ai pas le droit au e-billet, soit. C’est pas un carton dans ma poche qui va freiner mon voyage.

Mais l’affaire devient tout de suite plus contraignantes si vous avez un accident, si vous souhaitez ouvrir une entreprise, etc…

L’européen a beaucoup moins de droits que le chinois. C’est un fait. Et tant que le système chinois ne changera pas, ça restera le cas. Mais ça n’empêche pas de vivre une vie sympa !

Le « piège de l’Homme blanc » ne s’applique pas à tout le monde, mais simplement l’éventualité que cela m’arrive me rend déjà fou. C’est la raison la plus « adulte » qui explique pourquoi je suis content de quitter la Chine.


2 – L’impression de stagner

Cette impression rassemble 2 éléments : la perte de temps due aux conditions de vie locale, ainsi que l’impression de ne pas avancer dans ma vie.

Pédaler dans la semoule.

Depuis fin octobre, j’ai fini mon stage en Chine.

Même si j’ai pu vivre la belle vie, à voyager un peu, et paraître en « vacances ». J’ai charbonné et je ne me suis pas reposé depuis. Mes vacances ont été du plaisir, mais tous les soirs, je travaillais : je triais les vidéos, les rush exploitables, mes notes et comment je pouvais créer du contenu à partir de mes visites.

En dehors de mes deux voyages, j’ai filmé et monté des vidéos, écris des articles, posté (enfin) des guides de voyages sur Taiwan et le Bouddha géant de Wuxi ! Puis mon loyer ne s’est pas payé tout seul non plus. Et la YouTube monnaie ne paie pas...

Pas une seule fois, je ne me suis levé après 8:00 du matin. Pas une seule fois, je n’ai passé un jour devant Netflix, sans travailler, créer du contenu, des vidéos, mon site, gérer mon « personal branding », ou le futur. Bien entendu, sans que ça me rapporte un copec… Mais pas grave, c’est sympa à faire !

Et tout ça, avec l’internet chinois, en VPN, et sans capter le wifi dans mon appartement. Je deviens fou.

Avec ces problèmes d’internet, j’ai perdu un temps monstrueux pendant 2 mois. Donc oui, je suis content de quitter la Chine et retrouver une connexion stable sur laquelle je pourrais être plus productif.

« Ce que je faisais en 1 heure, m’en prend 5 ici. »

Erwan Châtelet

Ce que je faisais en 1 heure, m’en prend 5 ici, sans plaisanter. Je suis obligé d’aller travailler dans des cafés, mais je ne peux pas emporter mon gros ordinateur (parce que trop gros, 17 pouces tu connais…).

Bref, même si ces mois s’apparentaient à des vacances, je n’ai pas soufflé une journée ! Et ces deux mois commencent à être un peu trop long à mon goût…

Ah, et je vous ai dit que je vis dans une cage à lapin aussi ?

Perdre du temps est ma hantise.

En 2018, j’ai passé 6 mois à étudier en Espagne. J’ai « perdu » ces 6 mois de ma vie et j’en suis devenu malade. C’était : soit des cours que j’avais déjà eu pendant ma 1ère ou 2ème année, alors que j’étais en 4ème année; soit ce n’était pas du tout lié à ma spécialité.
Je fais du Digital, on m’a donné 60% de cours de sociologie : Okay, super.

Chaque jour, je me levais désespéré, fatigué, démotivé. Aller en cours ne me servait à rien, je n’y apprenais rien. En 4ème année, réaliser que tu n’apprends rien, et que tu n’apprendras rien, c’est destructeur. Où est-ce que je vais aller si dans mes années de Master, je n’apprends rien ? Ces années qui sont censée définir ma carrière professionnelle, mon orientation future ? La seule chose qui m’a fait tenir ce semestre, ce sont mes colocs : Adrien et Romo, merci.

Pour rien au monde, je ne revirerais cela. Donc dès que je perds du temps, que je n’avance pas aussi vite que je pourrais, je deviens fou. Et cela devenait le cas ici, à cause d’Internet, à cause d’opportunité professionnelles etc…


3 – Parce que je ne suis pas bilingue mandarin

Vouloir devenir bilingue mandarin en 2 ans d’apprentissage très léger du mandarin, c’est bien sûr inenvisageable. J’apprends l’anglais depuis 15 ans et je suis « fluent ». Et j’ai étudié l’espagnol pendant 7-8 ans et « Hola me llamo Erwan. Si, si, claro. » Et encore, je ne vous parle pas de mes 5 ans d’allemand…

Bref. Je ne parle pas mandarin. Le souci, c’est que personne ne va recruter quelqu’un qui ne parle pas mandarin en Chine. Mon plan de départ, c’était de rester un peu en Chine pour travailler. Mais après la vaste blague qu’ont été nos cours de mandarin (garderie), je suis incapable de parler chinois.

Travailler avec une entreprise chinoise est donc impossible, tout comme travailler dans une entreprise internationale. Avec qui tu vas parler si tu ne parles pas mandarin ? Avec des Anglais ? Pourquoi tu viens jusqu’en Chine si tu veux parler anglais ? …

La Chine n’est plus l’Eldorado pour l’Homme blanc qu’elle était il y a 10 ans. Il reste de nombreuses opportunités, mais l’étaux se resserre très vite. Et il faut parler mandarin pour pouvoir courir dans un pays qui ne s’arrête jamais.

« New York never sleeps, but Shanghai doesn’t even sit. »

Patricia Marx

Impossible de vraiment avancer en Chine si tu ne parles pas mandarin couramment. La seule solution revient à travailler dans une entreprise étrangère, avec des étrangers, pour le marché étrangers. On en a parlé un peu plus tôt. Cela ramène au statut d’expatrié français. Travailler dans une boîte française, avec des collègues français ou européen, et je renfile ma tenue de colon…

photo noir blanc colon esclave
Les expats en Chine, voilà comment on vous voit.

4 – Parce que c’est une nouvelle page qui se tourne !

Rentrer en France est un grand changement dans ma vie et c’est le début d’une nouvelle aventure ! C’est la raison la plus fun et la plus excitante de toutes ! Voilà pourquoi je suis content de quitter la Chine. C’est cette raison bien spécifique qui me ravit de jour en jours et qui m’effraie en meme temps.

Pour la première fois de ma vie, j’ouvre une porte sans savoir ce qu’il y a derrière. À l’école, on suit la route, on va au collège puis au lycée, et généralement à la fac pour 5 ans. La route de tes 23 premières années est toute tracée. Mais une fois que tu as ton diplôme, tu vas où ?

Tu es un poisson qui sort de son bocal et entre dans l’océan. Et cet océan de possibilité, c’est ça qui m’excite fortement ! Le grand jeu commence maintenant.

Qu’est-ce que je vais faire ? Travailler en France ? Reprendre des études pour compléter mon MBA ? Partir en VIE ? Travailler en freelance ? Trouver un travail en province ? Aller vivre à l’étranger ? Lancer mon entreprise ? Profiter de la PlayStation 5 ? Être sponsorisé pour faire le tour du monde ?

Tant de choix et de mystères, et aucunes certitudes pour le moment. Je suis ouvert à tout, prêt à tout et j’ai hâte ! 2020 a été bien plus morose que prévu, mais 2021 promet déjà beaucoup de nouveautés ! Tu n’as pas intérêt à faire comme 2020 hein…

Je suis conscient que cette incertitude pourrait faire peur : J’ai 23 ans et je ne sais pas où aller… Mais je préfère voir le côté challengeant et très motivant de la chose. Je suis fondamentalement curieux, et la prochaine étape est le premier mystère de ma vie. Comment ne pas être excité par ça ?

Voilà pourquoi je suis content de quitter la Chine.

Shanghai est une ville magnifique. J’ai adoré y vivre et je pense qu’elle a rendu mon année 2020 beaucoup moins catastrophique qu’elle l’aurait été en France. Mes deux années ici se résument presque à « Que du bonheur » et malgré ça, je suis content de rentrer. Vu la situation dans laquelle je suis, je ne me vois pas spécialement rester à Shanghai, ou du moins rester pour rester. Comme toutes les bonnes choses ont une fin, je quitte Shanghai alors que j’y tiens énormément. Au moins, je quitte la ville avec des bons souvenirs, sans en être dégouté (si cela est possible…)

Je ne sais pas si j’y remettrais les pieds un jour, mais je quitte la ville sans regret ! Enfin si, un tout petit regret : ne pas avoir eu plus de temps pour filmer plus de vidéo à Shanghai.

Prenez soin de vous, passez de bonnes fêtes de fin d’année, et à l’année prochaine !


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